Fouille à nu des élèves

Bolduc s’engage à revoir le protocole

Le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, va resserrer les règles entourant la pratique controversée de la fouille à nu des élèves dans les écoles du Québec. Le ministre mandatera aussi un expert indépendant pour faire la lumière sur deux incidents survenus récemment, un à Québec et un autre en Beauce, et qui impliqueraient la fouille à nu d’un élève. Hier, à l’Assemblée nationale, le ministre Bolduc a affirmé qu’il prenait cette question très au sérieux. « On jugera selon les faits de ce qui doit être fait dans le futur », a commenté le ministre, qui attendra le rapport avant d’intervenir. 

— La Presse Canadienne

Élèves HDAA

Une « course » aux diagnostics dans les commissions scolaires

QUÉBEC — Les commissions scolaires se livrent à une « course » pour obtenir des diagnostics d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et ainsi toucher plus de subventions. C’est ce qui explique en partie l’explosion du nombre de diagnostics, estime Québec.

Le gouvernement Couillard entend par conséquent revoir les modalités du financement des services destinés aux EHDAA, a appris La Presse.

Le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, reconnaît du bout des lèvres un certain surdiagnostic, phénomène mis en lumière par des spécialistes dans un dossier paru dans La Presse, hier. « L’article faisait mention que, dans certains cas, peut-être qu’il y a du surdiagnostic. Moi, je crois qu’il y a plusieurs enfants qui ont vraiment les bons diagnostics, mais il faut les évaluer comme il faut. Puis il faut s’assurer aussi qu’ils reçoivent les services essentiels », a-t-il affirmé à l’Assemblée nationale, hier.

L’an dernier, on dénombrait 179 656 EHDAA dans les écoles du Québec, selon les plus récentes statistiques du ministère de l’Éducation. C’est une hausse de 53 % en 10 ans. L’augmentation dépasse 100 % dans le cas des élèves handicapés, qui sont 37 000 sur les bancs d’école à l’heure actuelle.

QU’EST-CE QU’UN EHDAA ?

ÉLÈVE EN DIFFICULTÉ D’ADAPTATION OU D’APPRENTISSAGE

• Retard d’apprentissage

• Déficience intellectuelle légère

• Troubles du comportement

ÉLÈVE HANDICAPÉ 

• Déficience motrice légère ou organique

• Déficience motrice grave

• Déficience visuelle

• Déficience auditive

• Déficience langagière

• Déficience intellectuelle moyenne à sévère

• Déficience intellectuelle profonde

• Trouble envahissant du développement

• Trouble psychopathologique

• Trouble grave du comportement

• Déficience atypique

Les EHDAA représentent maintenant 20 % de tous les élèves, contre 12 % il y a 10 ans.

Le financement des EHDAA s’élevait à 2,1 milliards en 2012-2013, deux fois plus qu’au début des années 2000. 

« Il y a eu beaucoup d’investissement au cours des dernières années. Et on reconnaît qu’on devra en faire plus. On va y aller selon les capacités du gouvernement à payer », a indiqué Yves Bolduc, ministre de l’Éducation.

Selon un document obtenu par La Presse, Québec veut procéder à une « révision des modalités » du financement concernant les EHDAA.

Pour chaque EHDAA qu’elle déclare, une commission scolaire reçoit une allocation de base qui varie de 10 000 $ à un peu plus de 18 000 $, selon le handicap identifié par un « code de difficulté ». Cette allocation est de 5000 $ pour un élève régulier.

Or, dans un document qui a été produit par le gouvernement et qui circule à la Commission de révision permanente des programmes, Québec affirme que les commissions scolaires cherchent à obtenir des diagnostics afin de recevoir plus de subventions.

« Le fait que le financement pour un élève handicapé soit supérieur à celui pour un élève régulier pousse certaines commissions scolaires à organiser leurs services en fonction du code reconnu au lieu de le faire en fonction des besoins et capacités des élèves. On assiste alors à une certaine “course aux codes” afin d’obtenir du financement supplémentaire, ce qui pourrait expliquer, en partie, l’augmentation continue du nombre d’élèves déclarés handicapés et de leur part relative au sein de l’effectif scolaire », peut-on lire dans un document obtenu par La Presse.

UN PROCESSUS « TROP LOURD »

Québec est perplexe devant l’explosion du nombre de diagnostics. L’attachée de presse du ministre Bolduc, Yasmine Abdelfadel, déclarait d’ailleurs à La Presse qu’« on espère que ces chiffres renvoient à des besoins réels d’enfants nécessitant une aide particulière, et non pas à des considérations administratives ou financières ».

Le ministère de l’Éducation vérifie chaque année si les codes déclarés sont conformes aux règles. Un dossier par nouvel élève diagnostiqué doit être créé. En 2012-2013, 8600 des 37 000 codes déclarés ont été validés. Mais selon Québec, ce processus est devenu trop lourd pour les écoles, les commissions scolaires et le Ministère. « Bien qu’aucune analyse approfondie ne fut réalisée, il s’avère qu’environ 40 % du temps de travail des spécialistes en adaptation scolaire servirait à des tâches administratives », lit-on dans le document obtenu par La Presse.

La validation était réalisée jusqu’ici par les directions régionales du Ministère. Or le gouvernement Couillard vient tout juste de les abolir. Il doit donc revoir ses façons de faire.

« Le but n’est pas de remettre en question le niveau de financement des élèves handicapés, mais plutôt d’accroître l’efficacité de l’organisation des services en concentrant les efforts sur les services directs aux élèves, précise le document. Un nouveau mode de financement devrait également permettre de mettre fin au piège de la course aux codes. » On y parle d’« économies potentielles ». « La révision des modalités de financement des EHDAA permettrait aussi de limiter la croissance des coûts associés actuellement observée. Ces économies ne seraient effectives qu’à compter de l’année scolaire 2015-2016 », indique-t-on.

COMPLAISANCE DANS LES DIAGNOSTICS ?

« Il y a lieu de s’interroger sur l’inflation des diagnostics de certaines catégories d’élèves handicapés », estime une ancienne sous-ministre à l’Éducation, Pauline Champoux-Lesage. Il pourrait y avoir « complaisance » dans les diagnostics. « Le nombre croissant de certaines catégories de jeunes que l’on qualifie [de] handicapés est préoccupant », écrit cette ex-protectrice du citoyen dans un rapport sur le financement des commissions scolaires rendu public l’an dernier. Son rapport a poussé Québec à réviser le financement concernant les EHDAA. Mme Champoux-Lesage pose des questions sérieuses autour de l’explosion des diagnostics : « Est-ce que le résultat d’une évaluation plus précoce ou plus accessible ? Est-ce le fruit de critères dont l’appréciation varie selon les évaluateurs ? Y aurait-il une forme de complaisance dans le diagnostic pour assurer des services ? L’écart de la norme serait-il moins toléré ? La validation effectuée par le ministère est-elle uniforme et fiable ? » Elle recommande à Québec d’analyser les critères menant au diagnostic des handicaps. Il faut s’assurer que « les types d’élèves identifiés justifient un niveau de financement aussi élevé ».

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